Les femmes du village

Dr Nesrine Choucri Dimanche 20 Mai 2018-11:45:15 Shéhérazade raconte
Les femmes du village
Les femmes du village

 

Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire des femmes du village.

Il était une fois un petit village perché sur la montagne. Au fin fond du monde, le village n’était pas fréquenté par des étrangers, les hommes du village aimaient, quant à eux, s’aventurer partout découvrir de nouvelles contrées, de nouveaux horizons. Quand ils partaient, ils ne revenaient plus. Les femmes, esseulées, pleuraient alors leur sort. Que vont-elles advenir sans leurs hommes ? Un sort triste les attendait : des nuits blanches sans chaleur humaine, des matins durs à travailler pour gagner des miettes.

Après des années de souffrance, les femmes du village ont dû se réunir pour savoir comment régler ce problème et trouver une solution. Elles sont allées à la rencontre de la vieille magicienne pour lui demander de l'aide. Devant leurs plaintes et leurs gémissements, la magicienne cède et leur révèle un secret : il s’agit d’une potion magique.

« J’ai une potion magique », dit-elle. Les visages des femmes ont alors rayonné, tous les regards se dirigeaient vers elle : « Une potion », disent-elles en chœur.

Elle a acquiescé d’un signe du visage et dit : « Oui, une potion magique qui n’est autre qu’un venin. Mais, il faut avoir le sang-froid pour l’utiliser ».

Les femmes du village ne comprenaient rien à cette affaire, elles se demandaient bien des questions. La magicienne a alors commencé à leur expliquer. Cette potion n’est autre qu’un venin qu’elles doivent donner à leurs hommes, à leur retour, ils auront l’antidote, mais s’ils ne  reviennent pas pour plus d’un mois, ils finiront par souffrir de manière atroce, pas au point de mourir, mais au point de s’en souvenir. Et, la magicienne s’est mise d’accord qu’elle a jeté un sort aux hommes du village de ne pas pouvoir survivre pour plus d’un mois loin de leurs femmes.  

La rumeur commence à se propager dans le village, les hommes l’ont prise à la légère. Ils ont commencé à dire que les femmes ont perdu la tête et de même, la magicienne. Nul d’entre eux ne se dotait de leur stratagème.

Le soir, regroupés dans le café du village, ils ont commencé à rire à haute voix et à se moquer de l’affaire. Puis, un jeune homme, fraîchement marié, a décidé de faire l’expérience de s’éloigner du village et de sa femme pour plus d’un mois, assurant que cela ne va rien changer et qu’il sera toujours sain et sauf.

De retour, à la maison, il a annoncé à sa jeune épouse son intention de partir du village et il a ajouté sur un ton très arrogant « POUR LONGTEMPS ». Consciente du sort qui pouvait l’attendre, la jeune femme utilise le venin, elle le met dans le dîner. Le lendemain, son époux part à l’aventure, il se sent enfin libéré et pouvant quitter le village. En effet, dans ce village, les hommes ne pouvaient faire un voyage à l’étranger que s’ils sont mariés. Avant cela, c’était hors question.

Le jeune homme était donc fier de commencer son aventure, celle de découvrir le monde, de connaître d’autres lieux, d’autres femmes, sans se soucier de rien. Et, c’est vrai, il a découvert un monde qui l’éblouit au point qu’il a oublié sa famille, son épouse, son village, voire même la magie. Au 31ème jour de son départ, le jeune homme s’est réveillé fatigué. On aurait dit qu’il avait travaillé toute la nuit. Esquinté et fatigué, il a été surpris par des vertiges, puis, un mal de tête terrible l’a secoué. Il a pensé se reposer un peu, mais il ne s’améliorait pas, il a commencé des vomissements, les uns après les autres.

Les médecins de la grande ville où il était ont beau chercher à l’aider. En vain. C’est là qu’il s’est rappelé le tour de magie, du village, de son épouse et de sa famille. Il a payé tout ce qu’il avait gagné pour s’acheter une calèche et rentrer au village. De retour, il avait l'air affaibli et son visage était pâle. Son épouse l’a reçu avec tendresse et elle lui a préparé une bonne soupe dans laquelle elle n’a pas oublié d’ajouter l’antidote. Après la soupe, il s’est senti mieux et le lendemain, il était presque rétabli.

Les hommes du village avaient bien vu son exemple. C’est à partir de ce moment que les hommes ont appris à poursuivre leurs voyages, mais jamais trop longs. Jamais au-delà d’un mois. Et, les femmes du village se sont fait une grande réputation : « celle des femmes irremplaçables ». La magie a sa raison que la raison ne connaît pas!

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